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28 décembre 2018

Carnet / Le toucan du tonton Louis

 

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J’étais seul avec ma mère lorsqu’une voix inconnue m’interrompit dans mes coloriages et dans l’écoute d’un de mes disques préférés, Casse-noisette de Tchaïkovski. Je levai les yeux sur un vieux monsieur vêtu de noir qui me parut très grand, chenu, plutôt réservé. Il me tendit un large et lourd rectangle emballé d’un papier cadeau et dit à ma mère sans s’adresser directement à moi « voilà pour le jeune homme » . J’étais flatté qu’un vieux monsieur m’appelle jeune homme. Le papier cadeau libéra la couverture d’un beau livre intitulé Les Animaux de la jungle. Ce devait être le lendemain de l’Épiphanie car j’avais eu un restant de brioche pour mon goûter.

Ma mère m’invita à dire merci et au revoir au tonton Louis. J’avais déjà entendu parler de lui dans les repas de famille mais encore aujourd’hui, le lien de parenté avec cet homme âgé est resté pour moi très flou. Je ne l’ai d’ailleurs jamais revu après cette visite qui est pourtant gravée dans ma mémoire à cause du livre Les animaux de la jungle, notamment après avoir découvert qu’il existait dans le monde un oiseau appelé le toucan, un oiseau flamboyant au bec orange vif et aux yeux goguenards. 

Ce livre aux illustrations somptueuses et aux textes imprimés en gros caractères m’apprit aussi qu’il existait une créature nommée iguane et que les indiens de la jungle surnommaient ce lézard poulet des forêts, ce qui, en dehors du fait que ma mère m'appelait parfois poulet, modifia mon regard non seulement sur le poulet rôti dominical mais encore sur ce monde étrange dans lequel je débutais au son de la Danse de la fée-dragée.

Illustration toucan prise ici

 

31 janvier 2018

Dans mon carnet vert

mes carnets,note,journal,prairie journal,journal intime,écriture de soi,autobiographie,aphorisme,instantanés,réflexions,blog littéraire de christian cottet-emard,carnet vert,carnet lisbon lovers,christian cottet-emardLes pessimistes ont souvent tort. Ce qui arrive est bien pire que ce qu’ils avaient prévu.

 

Je suis réactionnaire pour le seul plaisir de ne pas être progressiste à votre façon.

 

L’autre jour, le ciel était comme une vinaigrette en train de prendre.

 

Ce qui compte dans le roman, c’est le rythme. Le romancier n’a pas besoin de grande intelligence mais de rythme.

 

Lorsque quelque chose paraît absurde, illogique, incompréhensible, il faut toujours chercher du côté de l’argent, de la raison financière.

 

Pour quelqu’un qui mange trop comme moi, l’exercice physique n’est pas profitable car juste après l’effort, j’ai encore plus d’appétit.

 

L’école a gâché mon enfance, le travail a gâché ma jeunesse. On ne peut pourtant guère éviter l’une et l’autre. Quel dommage d’avoir dû attendre si tard pour en être débarrassé et vivre désormais ma meilleure période.

 

Si vous rencontrez quelqu’un qui vous dit l’argent, ce n’est pas ce qui compte, ce n’est pas l’important, vous verrez qu’il est d’autant plus sincère qu’il en a beaucoup et qu’il sait donc de quoi il parle.

 

Il n’y a rien de péjoratif dans la notion d’étranger. Il peut me plaire d’être étranger dans les pays que j’aime et dans ceux que je n’aime pas. Il m’arrive même parfois d’aimer me sentir étranger en mon propre pays.

 

© Éditions Orage-Lagune-Express (Prairie Journal, volume 2)

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20 janvier 2017

Carnet / De l’ours

Parmi le bric-à-brac pathétique d’idées, d’illusions, d’obsessions et de vagues espoirs que nous trimballons tout au long de notre vie comme une batterie de casseroles accrochées à l’arrière d’une voiture de jeunes mariés, notre bestiaire personnel tient une place de choix.

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Le mien se compose du lézard, du cobaye, de la pipistrelle et, surtout, de l’ours. Il fallut que j’atteigne ces âges qu’on dit de la maturité pour me rendre compte à quel point la figure de l’ours est présente dans mon esprit voire parfois dans mon corps lorsque l’hiver et cette saleté de neige me rendent somnolent, grognon et boulimique.

En faisant défiler le film de ma vie, un très ancien souvenir de ma prime enfance apparaît à l’écran : lors d’un dîner de famille au Nouvel An, après m’être bien garni la panse et avoir vidé les fonds de verre, j’entendis les adultes parler de la Grande Ourse et je crus que le ciel était réellement habité par un spécimen d’ours géant et noctambule qui venait parfois rôder dans mon sommeil. Ce rêve ne m’inquiétait guère car la Grande Ourse était accompagnée de la Petite Ourse, elle était donc une maman et il n’y avait rien à craindre d’une maman.

La créature que je redoutais le plus avant de m’endormir dans la tanière de mes couvertures en osant à peine risquer un œil dans la nuit énorme et remuante était le loup (merci Sergueï Prokofiev). L’intensité dramatique de l’irruption tonitruante des cors annonçant le loup sortant du bois me fait encore aujourd’hui froid dans le dos.

Pour en revenir à la figure du plantigrade, j’eus deux ours en peluche dans mon enfance. Le premier avait le ventre rempli de crin et s’appelait Copain. Je me demande pourquoi je l’avais baptisé ainsi car m’entourer de copains n’a jamais vraiment été mon style.

Le deuxième ours en peluche arriva plus tard à la faveur d’une légère régression psychologique ainsi qu’il s’en produit parfois à la fin de l’enfance. Il s’appelait Teddy et déclarait j'aime bien les gâteaux si l’on tirait sur l’anneau prolongé d’une ficelle disposé sur son flanc. La brève carrière de Teddy s’interrompit brutalement le jour où, tirant sur la ficelle, j’entendis la phrase j’aime bien les gâteaux finir en un infâme borborygme évoquant la conclusion peu flatteuse d’une flatulence fatale consécutive à un grave accident mécanique.

Un autre ours d’enfance s'invitait à l’heure du repas, celui de la série télévisée Bonne nuit les petits. Je le trouvais sympathique parce que j’avais associé le grain de sa voix ronde et chaleureuse à l’appétissant fumet de la quiche lorraine dont je raffolais et que je humais face au halo laiteux de la lucarne. En revanche, j’estimais que le marchand de sable avait mauvais genre et Nicolas et Pimprenelle des têtes à claques.

L’adolescence venue, les ours disparurent de mes préoccupations au profit de créatures moins poilues du genre qu’on invite au restaurant. En ces périodes excessivement hormonales, l’ours qui tentait de se faire oublier en moi se trahissait quand même par son comportement glouton et pataud.

Parfois, dans mes tiroirs et dans mes carnets, la silhouette de l’ours se dandine dans un conte pour enfants inédit destiné à la scène. Je ne l’ai pas beaucoup travaillé et encore moins publié parce que j’aurais besoin d’un musicien compositeur et d’un décorateur pour mener à bien ce projet. Hélas, comme le travail en équipe me met de la même humeur qu’un grizzly dérangé en plein petit déjeuner...

Encore quelques mots à propos de l’ours. Je vais finir par croire pour de bon que les livres ne nous arrivent pas par hasard.

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Je viens en effet de finir l’année 2016 sur une lecture des plus réjouissantes, un roman américain ironique en antidote parfait à la majorité des petits machins prétentieux de bon nombre de nos romanciers hexagonaux à la mode. L’ours est un écrivain comme les autres, de William Kotzwinkle (ne me demandez pas comment cela se prononce) est une fable désopilante sur les magouilles de l’édition, le malentendu et la vanité du succès. À vous procurer d’urgence aux éditions 10/18 ou aux éditions Cambourakis pour agrémenter votre hibernation ou lutter contre la déprime hivernale, même si vous n’êtes ni un écrivain ni un ours.